Valiant Hearts – Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre

Posted By Diraen on 11 Nov 2014 | 0 comments

En ce jour de commémoration national (oui, on est le 11 novembre, aujourd’hui on célèbre l’armistice de 1918), je me suis dit que c’était le jour parfait pour m’atteler à ce que je repousse depuis bientôt six mois : vous parler de Valiant Hearts (Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre en français).

J’attendais Soldats Inconnus depuis son annonce. Et forcément, dès la sortie du jeu, je me suis jetée dessus avec peu d’attente mais une grosse exigence, celle d’être embarquée dans les histoires, la Grande et les petites.
Le jeu est sorti le 24 juin dernier mais j’en garde encore des souvenirs assez vivaces, ce qui est plutôt bon signe.

Dans Valiant Hearts, vous incarnez tour à tour 5 personnages, même si la figure centrale reste Emile, fermier français de Saint-Mihiel de 42 ans appelé comme tant d’autres anonymes sous le drapeau en 1914. On jouera 4 autres personnages qu’Emile sera amené à croiser lors de ses aventures : Karl, son gendre allemand, expulsé de France et enrôlé dans l’armée allemande dès la déclaration de guerre, obligé d’abandonner femme et enfants, Freddie, le volontaire Américain venu assouvir une petite vengeance, Anna, l’infirmière belge qui officie sur le front et Walt, le chien allemand, qui se fout bien des nationalités de chacun…

Le gameplay  alterne des séquences de puzzle, d’infiltration, d’action et même de courtes séquences de QTE. Le tout est généralement assez simple, ce qui en fait un jeu grand public.

Le vrai intérêt de Soldats Inconnus réside d’avantage dans sa narration que dans le système de jeu. Ici on nous raconte la guerre, dans toute son horreur, son aveuglement et sa vacuité. C’est d’ailleurs assez paradoxale car dans ce jeu qui parle de l’une des plus grandes boucheries du vingtième siècle, on ne tire jamais, on ne tue jamais personne directement… Au pire on assomme, comme si c’était la guerre qui tuait, pas les soldats. C’est sans doute ce qui préserve le joueur de toute velléité nationaliste, de toute pulsion guerrière ou de la moindre sensation de haine du camp adverse.

La musique est d’ailleurs un élément essentiel de Soldats Inconnus et du confort du joueur ; elle accompagne magnifiquement les différentes phases de jeu :

• légère et agréable dans les phases de réflexion et de recherche, ce qui est toujours une bénédiction quand vous bloquez plus de 5 minutes sur une énigme,
• burlesque et très rythmée pendant les phases de conduites de véhicules, où l’on assiste à une espèce d’échange serré entre la musique et les obstacles, rendant parfaitement le sentiment d’urgence sans pour autant stresser le joueur,
• pesante et déprimante lors des séquences dans les tranchées, sous la pluie, où l’on goûte l’ennui et la solitude, lorsqu’on se retrouve face à une suite d’énigmes qui nous permettra de mener à bien des taches de la vie quotidienne des poilus,
• dramatique et prenante pendant la lecture des lettres ou à d’autres moments clés de l’histoire, comme lors du court mais très humain épisode de fraternisation avec un soldat allemand, où soudain, l’on ressent tout le poids du devoir face à la réalité de l’humanité des soldats.

Mais tout n’est pas parfait dans Soldats Inconnus. Alors que la direction artistique, type bande-dessinée, est magnifique de bout en bout et parfaitement servie par le moteur maison UbiArt Framework, j’ai été assez déçue par l’animation des certaines actions, comme les ouvertures de portes et le maniement des clés par Anna. Dans le même genre, les décors ne sont pas forcément adaptés à l’action : dans certaines phases de jeu, la navigation entre le premier et le second plan est parfois malaisée.

D’un point de vue du plaisir du jeu, même si globalement le tout est vraiment prenant (je l’ai bouclé en 4 sessions de jeu, réparties sur 6 jours tellement je voulais connaitre la suite), il souffre quand même de certains défauts: d’abord j’ai trouvé le boss de fin de niveau du chapitre deux incroyablement difficile en comparaison du reste du niveau ; j’ai également grogné contre une séquence de tir au canon dépourvue de toute difficulté : il n’y avait aucune latence entre chaque pilonnage, rendant l’objectif ridiculement facile à atteindre en un temps très court, connaissant le matériel de l’époque, c’est en plus une totale aberration.

Et enfin, même si j’aime beaucoup le personnage d’Anna, avoir à la jouer était devenu une véritable corvée à cause de son gameplay de soin répétitif, linéaire et mine de rien, un peu corsé. Vu mon taux d’échec, le peu de variété des animations pour ces séquences de jeu est rapidement devenu carrément pénible…

Ces défauts mineurs sont d’autant plus frappants que certaines actions, comme les infiltrations ou les progressions à couvert sont très gratifiantes. On notera également un système d’aide à la progression assez bien foutu, avec des indices de plus en plus détaillés accessibles toutes les minutes.

J’ai vraiment aimé Soldats Inconnus, découvrir une guerre qui pour moi était lointaine, d’une façon légère malgré la lourdeur et le difficulté du sujet. Le travail en collaboration avec la mission du centenaire est très présent, il est évident que le but du jeu est de nous faire découvrir la Grande Histoire, mais l’équipe de développement a réussi rendre l’exercice plaisant en utilisant le biais des petites histoires vécues par différents individus. J’ai appris des choses et passer un merveilleux moment avec un jeu profondément humaniste qui ne met jamais en avant la violence physique de la grande guerre mais ne nous épargne rien de la violence psychique de la Grande Guerre qui a marqué à jamais plusieurs générations.

Et j’avoue sans aucune honte qu’à la fin du jeu, j’éi versé toutes les larmes de mon corps, comme une idiote, seule devant mon écran. Et je tire mon chapeau à l’équipe d’Ubisoft Montepllier qui, sans crier haut et fort qu’ils allaient donner une leçon d’émotion à quiconque on réussi à émouvoir l’humain derrière le joueur. Derrière plein de joueurs, de toutes nationalité si l’on en croit les vidéo de youtubers émus que ces petits sadiques ont compilé. Rien qu’en la revoyant, j’en ai les larmes aux yeux… (ATTENTION SPOILER, la vidéo montre la dernière scène du jeu !)

Face à une telle perle, je suis encore très dubitative face au mode de distribution choisi par Ubisoft. Le jeu étant définitivement plus orienté grand public que gamer, le choix d’une vente uniquement dématérialisée est assez étrange. Pour toucher les gamers, on aurait pu s’attendre à une diffusion par épisode à la Walking Dead ou The Wolf Among Us ce qui aurait très bien pu marcher puisque le jeu est découpé en chapitres (format de commercialisation qui a d’ailleurs été retenu pour les plateformes iOs*).
Soldats Inconnus aurait mérité un format boite, à l’instar de ce qui a été fait pour Child of Light, pour permettre au plus grand nombre d’y accéder facilement. Parce que définitivement ce jeu ferait un très beau cadeaux pour vos proches au pied du sapin et ce quel que soit leur âge. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour le devoir de mémoire…

* Pour les plateformes iOs portables, 4 épisodes disponibles séparément (4,49 euros chaque) ou bien en bundle (chapitre 2, 3 et 4, pour 7,99 euros)