Souvenez-vous, jeudi dernier on a laissé mon moi-âgé-de-17 ans autour d’une table en train de pratiquer le jeu de rôle papier et de se faire de nouveaux amis qu’elle gardera toute sa vie (en tout cas pendant au moins les quinze prochaines années)
Je vous passerai les détails sur la chasse aux sorcières qu’a connu mon loisir favori, grâce à mon amie Mireille Dumas et à la psychose médiatique qu’elle a lancée sur les jeux de rôle dans les années 90 avec son émission Bas Les Masques (elle a réussi à lancer un mouvement visant à convaincre le grand publique que le jeu de rôle était dangereux, que cette activité allait pousser les jeunes au suicide et provoquer des dégâts irréversibles dans la société). J’ai même fini par en faire la thèse de ma licence, dont la conclusion était que le jeu en lui-même n’était pas dangereux (ou presque) mais pouvait être un catalyseur mettant en lumière maladies mentales et désordres psychologiques profonds.
Mais je vous passe les détails de cette période, donc.
D’abord parce que ce n’est pas le sujet, que tout est (presque) derrière nous et surtout, surtout parce que tout est pardonné.
C’est qu’au fond, je l’aime bien moi Mireille. Elle m’a obligé à apprendre à discuter calmement de mes passions, à démonter, à démontrer, à faire preuve de pédagogie et de patience face à des gens bourrés de certitudes. Et mine de rien, grâce à la psychose ambiante, j’ai pu trainer mes parents à des tables rondes à propos de la (pseudo) dangerosité des jeux de rôle et emporter leur soutien, même face aux regards horrifiés des adultes qui apprenaient comment je passais mes week-ends.
Et puis parce que Mireille Dumas, pour moi, c’est à tout jamais Grosseille Tuba, la journaliste à laquelle mes joueurs ont mis une misère monumentale pendant une partie d’In Nomine Satanis / Magna Verita, l’un des trois seuls jeux que j’ai jamais masterisé (ça veut dire que le conteur, le maître du jeu, c’était moi).
Ben oui, j’étais une adolescente quand même, le modèle en rébellion, qui prenait un malin plaisir à choquer et à pervertir tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la bien-pensance d’adulte.
Du coup, In Nomine Satanis / Magna Verita (INS/MV pour les intimes) était fait pour moi. Un monde terriblement identique au notre avec de très légères différences, comme la présence d’Anges et de Démons incarnés sur Terre :
Dans In Nomine Satanis les joueurs incarnent un groupe de démons, chacun aux ordres d’un prince-démon. Dans Magna Veritas, ils incarnent un groupe d’anges, chacun aux ordres d’un archange. Dans les deux cas, ils sont incarnés dans des corps humains de nos jours, et doivent faire attention à ne pas se faire remarquer par les humains. L’ambiance est généralement au second, voire au troisième degré.
D’où la présence de Groseille Tuba dans mon scénario.
Inutile de dire que mes joueurs ne jouaient que les démons et que j’avais systématiquement un serviteur d’Andrealphus, prince démon du sexe à ma table ainsi qu’un suppôt de Baal, prince de la guerre… Oui, on était des subtiles.
Il y a eu 4 éditions successives du livre de règles d’INS/MV mais ma préférée reste la seconde. Pas à cause des nouvelles règles mais d’abord parce qu’elle m’avait été offerte par mon meilleur pote qui s’était fendu d’une dédicace trollesque à souhait (il disait attendre avec impatience la prochaine partie qu’on ferait au cimetière, éclairés seulement par des bougies – Maman, je te rassure, on ne l’a JAMAIS fait et cela ne nous a JAMAIS (vraiment) sérieusement traversé l’esprit, c’était pour la posture) et ensuite parce que la fiche descriptive de chaque prince démon et archange était accompagné d’une nouvelle qui permettait au joueur de comprendre la façon de faire, de fonctionner de son supérieur. Les textes étaient atroces, totalement politiquement incorrectes et c’est pour ça que je ne me lassais pas de les lires. J’ai découvert « l’affaire du Petit Gregory » grâce à Malphas, Prince de la discorde.
Pour vous mettre dans l’ambiance sans vous faire fuir. Enfin pas tout de suite, J’en ai trouvé un pas trop horrible, celle d’Andromalius, Prince du Jugement :
C’est joyeux et classe ou pas ?
Si vous voulez d’autres nouvelles, vous trouverez l’intégralité du Livre de Règle de la seconde édition ici (âmes sensibles s’abstenir).
Alors quand j’ai vu que Croc, le créateur d’In Nomine Satanis / Magna Verita, mon idole d’ado, remettait le couvert avec une cinquième édition du jeu, j’ai eu des bouffées d’hormones. Comme au bon vieux temps. Et la certitude de beaucoup ricaner bêtement à la lecture du livre de règles.
Du coup, j’ai craqué et à mon moi-agée-de-17 ans, j’ai fait un très beau cadeau : la boite collector.
J’ai très, très hâte de la recevoir et vous ne couperez pas au billet de déballage, c’est certain.
Je me suis quand même penchée sur le contenu de cette cinquième édition et une seule chose est sûre, l’esprit punk est bien là. (Âmes sensibles, sérieusement, cessez de lire ce billet, c’est pas pour vous In Nomine Satanis / Magna Verita hein).
Alors avec cette cinquième édition, baptisée In Nomine Satanis / Magna Verita : Génération Perdue tout a été remis à plat, et Croc ne s’en cache pas; le contexte idéologique actuel y est pour beaucoup. A une époque où on assassine de gens pour des dessins, où l’on polémique sur les pains au chocolats et où on défile dans la rue pour protester contre ce qui se passe dans le slip de son voisin, l’ancien univers politiquement incorrect d’INS/MV était un peu compliqué à gérer. Du coup, adieux la troisième force (extension Mindstorm), les divinités égyptiennes, amérindiennes et vikings (ext. Berserker), les sorciers vaudous et autres Archange et Prince-Démons d’obédience musulmane (ext. Insh’Allah).
Et comme le dit Croc, ce poète :
le jeu se recentre sur du franco-français-franchouillard. Parce que si on commence à bouger à l’international (comme dirait Tal), on ne se retrouve pas avec un combat contre les anges et les démons mais entre la purée muslim (on fait un trou, pour mettre du sang de mécréant dedans) contre le reste du monde. Et alors une décapitation ça va, mais à longueur de semaine ça me gonfle. Alors tant que les cons n’auront pas calmé le jeu, on se contentera de bourrer à Cabourg ou de braquer une banque à Arnac-La-Poste dans le limousin. Sans parler de se faire épiler à Villedieu les Poëles.
Et le monsieur a décidé que quitte à faire un Hard Reset, autant se débarrasser de la hiérarchie. Alors ça me rend un peu triste parce que certains supérieurs vont me manquer mais la douloureuse réalité est implacable : il ne reste plus que 8 anges et 8 princes démons dans la place.
De toute façon, ils sont injoignables depuis qu’une espère d’amnésie collective a frappé les ailés et les cornus en mai 2006.
L’avantage c’est que ceux qui ont envie de découvrir l’univers n’auront pas à se cogner les 4 éditions précédentes et la vingtaine de suppléments qui allaient avec. Les vieux de la vieille peuvent toujours radoter sur le bon vieux temps, mais ça ne servira à rien à part peut-être gonfler le Maitre de Jeu (sauf si c’est lui qui commence à radoter…).
Histoire de faire souffler un vent de fraîcheur, et calmer un peu les Gros Bill, les anges/démons qu’on incarne disposent désormais de deux états. Sur la plage arrière, c’est-à-dire spectateurs de la vie de leur hôte ou Au Volant, en pleine possession du corps et en mesure d’utiliser ses pouvoirs.
Cette espèce de schizophrénie du personnage me rappelle Bloodlust, un autre jeu commis par Croc, dans lequel vous incarniez un humain lambda et son épée divine qui parle.
Le maître du jeu nous faisait souvent jouer l’épée d’un autre joueur et ça fonctionnait super bien. Du coup, je me demande à quel point jouer l’hôte d’un autre joueur est possible et fun…
Bref, cette nouvelle façon de jouer avec deux états pour son personnage devrait amener un peu de pression pour les joueurs, parce que sans hiérarchie, sans mission et avec un corps qu’ils ne contrôlent pas toujours, quelque chose me dit que ça va être compliqué pour les anges et les démons de survivre… Le potentiel de « vivre et faire mourir » me parait énorme.
J’ai donc très hâte de découvrir tout ça. Même si les effets secondaires risquent d’être une grosse, grosse envie de remonter une table de joueurs et de masteriser à nouveau…
Mais à part l’instante nostalgie larmoyante, pourquoi est-ce que je vous déroule une série de 3 articles sur le jeu de rôle depuis une semaine ?
Ben pour vous motiver à financer cette cinquième édition d’INS/MV !
Parce que Générations Perdues est un projet au financement participatif ce lien dont les contreparties sont réparties ainsi : 40€ le livre de base, 70€ livre de base + 3 extensions prévues, et 100€ pour le coffret collector et son ex libris dédicacé (limité à 666 exemplaires hihihihi).
Il vous reste 11 jours pour vous joindre à ce projet qui a très bien marché jusqu’ici puisque 12 paliers sur 14 ont été débloqués Ce qui signifie que Raise Dead, l’éditeur du jeu publiera un mini magasin trimestriel, bourré d’aide de jeu.
C’était vraiment un truc que j’adorais avec Cops (tiens un autre jeu de Croc. Je crois que j’ai un problème avec les créations de ce monsieur…), recevoir mon petit journal tous les deux mois dans la boite aux lettres. Ça voulait dire que l’univers continuait à vivre avec ou sans moi, et surtout il y avait toujours plein d’informations pouvant servir d’inspiration au maître de jeu pour des scénarios.
Ca me rappelle cette mission qui m’a, à tout jamais, sensibilisée à la cause des hommes battus…
BREF, je m’égare encore !
Si l’idée de soutenir In Nomine Satanis / Magna Verita : Génération Perdue vous tente mais que vous avez encore quelques doutes, je vous conseille de lire Ze Pitch, qui résume le projet et surtout qui s’achève sur une brève nouvelle qui vous plonge (huhuhu) dans l’univers du jeu.
Si vous la trouvez trop trash ou trop vulgaire, INS/MV n’est probablement pas fait pour vous… (Je vous ai pourtant dit d’arrêter de lire cet article déjà deux fois hein…)
Dans tous les cas, rendez-vous cet été pour le déballage du bébé !
Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn…
15 mars 2015
Excellent cet univers j’adore !
13 mars 2015
Ha INSMV, les parties de JDR les plus folles que j’ai faites. Merci pour flashback! 😉
13 mars 2015
Croc est doué pour créer des univers marquants, c’est clair que INSMV a un gros potentiel de fun 🙂