[Critique] La Légende de Manolo – Jorge R. Gutierrez

Dimanche au Mexique, c’était El Día de Muertos (Le jour des morts), la fête annuelle durant laquelle on rend hommage aux morts d’une façon festive et que beaucoup ont découvert grâce au jeu vidéo Grim Fandango de Tim Schafer (jeu pour lequel une version remastérisée pour PS4 a d’ailleurs été annoncée lors de l’E3 2014).
On est bien loin de notre tradition française qui vous fait vous traîner sur la tombe de vos ancêtres, un bouquet de chrysanthèmes à la main, tout de noir vêtu, avec une tête d’enterrement de circonstance, le plus souvent sous une pluie glacée…

Je ne sais pas qui chez nous a décrété que l’hommage aux morts devait être triste et lugubre, mais La Légende de Manolo enseigne aux enfants que ce n’est pas une fatalité.

La legende de Manolo - Maria, Joaquim et Manolo

Pour ma part, j’avais eu un vrai coup de cœur pour le film lors de la diffusion de la première bande annonce, il y a quelques mois. Je suis donc arrivée (en retard) à la séance en ayant une idée plus que vague du scénario. Et pourtant, même en ayant raté le début, il ne m’a fallu que quelques minutes pour me plonger dans l’univers de Manolo.

D’abord parce que le genre morbido-coloré, ça me parle. Parmi ce qu’il me reste de ma période gothique, il y a les Living Dead Dolls et ma préférée fait partie de la collection 20, référence au jour des morts, Savannah.
Alors forcément, je suis tout de suite tombée sous le charme de La Muerte, la reine du royaume des âmes chéries, sensuelle, joueuse et super colorée et de son adversaire Xibalba, qui lui règne sur le royaume des âmes oubliées.
Car l’aventure débute sur un bête pari entre ces deux dieux, pour savoir qui, de Manolo ou de son meilleur ami Joaquim emportera le cœur de leur camarade de jeu, Maria.

La legende de Manolo - La Muerte et Xibalba

Mais La Légende de Manolo n’est pas qu’une bête histoire de rivalité amoureuse, c’est surtout un joli conte initiatique destiné aux plus jeunes afin de se réconcilier avec la notion de mort. Parce que la disparition des êtres chers, la mort qui emporte soudainement les vivants est au cœur de ce film d’animation. Et au même titre que La Reine des Neiges, qui m’a particulièrement touchée  parce que le film plaçait l’amour fraternel au-dessus de l’amour « prince/princesse » auquel Disney m’avait habituée, La Légende Manolo m’a plu parce qu’il traite directement LE sujet tabou par excellence dès qu’on parle de divertissement pour enfants : la mort. Et d’une façon qui vous met de bonne humeur.

Parce que malgré ce lourd sujet, le film est gai, d’un bout à l’autre, toujours. D’abord  le parti-pris d’avoir des figurines de bois animées balaye tous les soucis de précision et de fluidité d’animation dont aurait pu souffrir le film face aux super productions actuelles. De même, l’omniprésence des chansons est intégrée intelligemment : Manolo est un musicien et lorsqu’il chante ses états d’âmes, c’est toujours dans des conditions réalistes. En plus, il interprète des reprises de chansons contemporaines, comme du Radiohead (Creep), du Rod Stewart (Do Ya Think I’m Sexy), etc. Un vrai bonheur.

On appréciera aussi toute l’esthétique sud-américaine, la finesse des costumes et l’étendue de la palette des couleurs chatoyantes utilisées pour les décors.

La légende de Manolo - Les décors

Et pour une fois, Maria, l’héroïne n’est pas une potiche mais une vraie fille du sud, au sang chaud qui a du caractère, se dérouille très bien toute seule, fait marcher sa tête et veut être conquise et non simplement séduite. Il est clair qu’elle n’est pas parfaite, qu’elle aurait pu être encore plus indépendante mais bon, pour un film destiné aux plus jeunes, c’est déjà pas mal.

Alors ne nous leurrons pas, La Légende de Manolo n’est pas un film parfait : bien que très rapide et débordant d’action, il manque très clairement la petite étincelle qui rendrait le film inoubliable. C’est probablement dû à un problème de rythme et de sur-narration ; il y est question d’amour, de fraternité, d’héritage, de réalisation personnelle, de courage, d’oubli et de pression sociale (ouf !) et au final en voulant aborder trop de thèmes le film de  Jorge R. Gutierrez (produit par Monsieur Guillermo del Toro en personne) n’en approfondi aucun et c’est sans doute un peu frustrant.

Mais finalement, si le film porte mieux son nom en anglais The book of Life est un chouette film d’animation, qui apporte un peu de fraîcheur et de diversité culturel à l’industrie du divertissement jeunesse et se laisse regarder par les plus jeunes (dès 6-7 ans) comme par les grands.

the-book-of-life-2014-17

Un film de : Jorge R. Gutierrez
Produit par : Guillermo del Toro
Pays d’origine : États-Unis
Avec : Diego Luna, Zoe Saldana, Channing Tatum, Kate del Castillo, Ron Perlman, Christina Applegate, Ice Cube
Durée : 147 min (1h27)
Date de sortie en France : 22 octobre 2014
Vu en : V.O.S.T. 3D
La bande-annonce :

Author: Diraen

Pour maîtriser un peu mieux le concept de la Diraen (qui se prononce « dira haine »), il faut considérer que je suis maintenant une femme de 40 ans, qui aime tellement les jeux vidéo qu'elle travaille désormais à leur production et qui raconte sa vie ici, plus ou moins régulièrement, depuis plus de 15 ans.

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