[Critique] L’Écume des jours – Michel Gondry

S’il y avait un réalisateur qui pouvait adapter au cinéma le chef-d’oeuvre de Boris Vian, c’était bien monsieur Gondry. Alors quand j’ai appris qu’il s’y attelait, j’étais très impatiente de voir le résultat, l’Écume des jours faisant partie des livres de mon Panthéon.
J’ai beaucoup déchanté quand la liste des acteurs a été publiée…Romain Duris ? Non non non et non ! Le mec le moins sympathique du cinéma français et qui transpire cette antipathie dans tous ses rôles, , qui ne sait pas jouer autre chose que du Romain Duris (bon, ok, dans De battre mon coeur s’est arrêté il s’est surpassé, sûrement grâce à une bonne direction) (ben non, j’allais quand même pas dire qu’il avait du talent !). Les seuls rôles dans lesquels je l’ai vraiment aimé, c’est chez Klapisch. Mais le reste…
Déception donc.
Audrey Tautou n’a pas sur moi cet effet d’agacement intense comme chez pas mal d’autres personnes qui ont sûrement fait une overdose après Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Moi, je sais qu’elle peut m’émouvoir, donc ça m’allait.

Pour le reste  je me disais surtout qu’on surfait sur la vague du cool, mais après tout, pourquoi pas, je demandais à voir.

L'affiche du film

Colin rencontre Chloé. C’est l’amour fou et poétique. Ils se marient et auraient pu avoir beaucoup d’enfants mais Chloé va tomber malade : un nénuphar occupe ses  poumons.

Pour un public non-averti, je ne sais pas du tout quel effet a produit le film. Entrer dans l’univers de Vian n’est pas aisé mais j’ai trouvé que Gondry savait prendre le spectateur par la main et le plonger dans l’univers fou des anguilles qui vivent dans les conduites d’eau, des petits fours (littéralement) servis aux réceptions, des Jean-Sol Partre à l’ego surdimensionné, et des nénuphars envahissants.

Et c’est un régal que de voir les inventions de Vian (comme le pianocktail) mis en image par le roi du bricolage. Tous les petits détails de réalisation sont géniaux d’inventivité, le côté fait-maison si nostalgique de Gondry, sa mise en image d’idées incongrues qui surgissent parfois dans notre esprit (vous n’avez jamais pensé, vous, à monter un escalier en empruntant les morceaux de marches intérieurs au colimaçon ?).
Gondry s’amuse et on le suit volontiers.  Il s’est même octroyé le rôle du médecin maladroit, certes ce n’est pas une révélation de jeu d’acteur mais sa bouille tout en rondeur et en boucles capillaires colle bien au personnage.

Le pianocktail en action

Quant aux acteurs, Audrey Tautou. apporte sa douceur – sans pour autant faire petite chose fragile – et surtout de son piquant au personnage du roman qui n’en manque pas. Romain Duris…Disons que ça passe. Rien de bien convaincant. Pour le rôle de Colin, là où cela pèche vraiment c’est que le lecteur vit toute l’histoire à travers les yeux de Colin, il fallait donc que l’empathie soit débordante pour ce personnage. De mon côté, Duris, ne me fait aucun effet, rien, pas d’émotion. Mais peut-être que c’est quelque chose qui n’a gêné que moi.

Les seconds rôles sont surprenants de sympathie. Gondry dirige les acteurs façon Chaplin (Charlotte Le Bon s’en sort particulièrement bien dans ce registre), leur donne un côté absurde et maladroit. Omar Sy est un des rares personnages que j’ai trouvés touchants, quelque chose de très doux se dégage de son interprétation.

Au final, les thèmes chers à Vian sont conservés voire adaptés avec brio. On y retrouve son cher (ou plutôt son nemesis) Jean Sol Partre présenté tel un gourou et adulé jusqu’à la perte, notamment pour le personnage de Gad Elmaleh. La critique des médecins, celle de l’Église quelque peu édulcorée peut-être, la surexploitation de la main d’oeuvre en usine (notamment grâce au fil rouge ingénieux créé par Gondry, de la salle remplie de sténographes tapant  à la chaîne l’histoire qu’on nous raconte), l’absurdité de la guerre ; et bien entendu la maladie. En effet, Boris Vian a été malade quasiment toute sa vie et souffrait…des poumons. Pour le trompettiste passionné qu’il était, ce fut un véritable traumatisme, sans parler de cette vie passée affaibli, sans cesse fatigué, entouré de médecins et peuplée d’examens médicaux.

Les fidèles de Jean Sol Partre acclame leur idole

Au final, une adaptation réussie dans son ensemble mais le véritable défaut et qui, pour une telle oeuvre, est un réel problème est qu’on n’éprouve aucune émotion. Je me souviens d’avoir sangloté comme une petite fille en lisant ce livre. En voyant le film, j’en étais très très loin. De plus, il est un peu long sur la fin, donc je me suis même légèrement ennuyée, mais je me souviens d’avoir ressentir la même chose devant deux des films de Gondry : La Science des rêves et Be Kind Rewind. Peut-être que c’est là le défaut de Gondry, lorsqu’il est seul aux manettes  : de ne pas réussir à réellement créer les émotions porteuses de la fin d’un récit. Je précise bien « quand il est seul aux manettes », car l’émotion était bien présente dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, son chef-d’oeuvre, selon moi.

Un film de : Michel Gondry
Pays d’origine : France
Avec : Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaleh, Aïssa Maïga, Charlotte Le Bon
Durée : 2h05
Date de sortie en France : 24 avril 2013
Vu en : VF
Voir la bande-annonce

Author: Tatoe

Tatoe est une rousse cinéphile, collègue et consœur de Diraen et qui publiera essentiellement des critiques ciné - même si elle essaie secrètement de convaincre Diraen de la laisser faire des critiques musique sur ce blog (tout en pensant qu'en vrai elle serait infoutue de mettre des mots sur ce que la musique peut lui faire ressentir).

Share This Post On

Et vous, votre avis ?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.