[Critique] Du Vent dans mes mollets – Carine Tardieu

De temps en temps, Le Cinémâââ Français nous offre des petits cadeaux. De ceux qui sont discrets, délicats et inattendus. Du Vent dans mes mollets fait partie de ces jolies surprises et, tout comme ma surprise française de l’année dernière, Le Nom des gens, parvient à faire rire en traitant adroitement de sujets plutôt périlleux.
Affiche du film
Rachel est une timide petite fille de 12 ans. Elle vit avec son papa (Denis Podalydès), poseur de meubles de cuisine chez Mobalpa, peu exigeant, sa maman (Agnès Jaoui), ophtalmologue très couveuse; et sa grand-mère qui s’est fait expulser de sa maison de retraite pour s’être acoquinée avec un de ses « colocataires ».  A la veille de la reprise de l’école, Rachel, angoissée, tient à s’endormir tout habillée et cartable sur le dos. Sa maman décide alors de l’emmener voir un psy. C’est aussi à ce moment-là que Rachel fait la connaissance de Valérie, une nouvelle camarade de classe.
Première chose : le casting est parfait. Agnès Jaoui en mère poule étouffante et frénétique  confectionneuse de boulettes; Denis Podalydès en père indolent ; Judith Magre en grand-mère farfelue (toute ressemblance avec un autre film français se passant dans les années 80 n’est PAS fortuite) ; Isabella Rossellini  hypnotique, comme toujours, dans le rôle de la psy ; Isabelle Carré en mère célibataire et qui pour une fois ne joue pas une petite chose fragile mais une femme de caractère et cela fait du bien ! ; et, bien entendu, les deux petites, extras, l’une avec ses grands yeux bleus naïfs, de plus en plus conscients au fur et à mesure du film, et l’autre, espiègle et effrontée à souhait.

Tout ce petit monde nous emporte donc dans les années 80, et le film multiplie les références et clins d’oeil à cette époque, instaurant ainsi un climat de nostalgie ambiante. Finalement, même ceux qui n’ont pas connu cette période s’y retrouvent, car les clins d’œil restent accessibles – qui ne connaît pas La Boum ou les émissions de télé dépeintes dans la scène géniale du « spectacle » des deux petites ? – mais aussi parce que le film traite de l’enfance, ou plutôt de la préadolescence et la complicité entre les deux petites ne peut que rappeler des souvenirs. Notamment lors de la scène où elles miment une scène dont elles ont été témoins, avec des Barbie : un classique de catharsis enfantine.

Les filles miment une scène avec des Barbie.
Nous (avec Flo, la copine avec qui je suis allée voir le film) avons cependant relevé deux petits anachronismes : le string arboré par la maîtresse (la vulgarisation du string, sans mauvais jeu de mots, ne s’est déclarée que dans les années 90) et le réflexe parental de parler en « anglais » (les guillemets sont justifiés) devant leur enfant lorsqu’ils évoquent un sujet délicat. A l’époque, l’anglais n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui.

Ces deux petits défauts sont cependant bien vite pardonnés. Dans ce film on rit beaucoup, les répliques sont savoureuses et parfaitement interprétées. Bravo à Carine Tardieu pour sa direction (d’enfants notamment). Grâce à une profusion de détails, la réalisatrice parvient à faire passer beaucoup de choses, tout en subtilité.

On décrit aussi cette difficulté des parents à laisser leur enfant découvrir le monde à travers les yeux d’autres personnes. Un vrai cap pour les enfants bien entendu, mais aussi pour les parents qui ont souvent du mal à lâcher prise, de peur que l’influence ne soit mauvaise. Ici, la mère de Rachel est à la fois troublée par cet univers loufoque et LIBRE offert par la petite Valérie à sa nouvelle copine, mais aussi par la mère de cette même Valérie, par qui elle se sent immédiatement menacée lorsqu’elle constate que son mari semble se réveiller à son contact. Là encore, la réalisatrice traite le sujet avec beaucoup de finesse et ne tombe jamais dans la caricature ou l’attendu, que ce soit lorsqu’elle dépeint l’évolution des rapports entre le personnage de Denis Polydalès et celui d’Isabelle Carré, ou les rapports entre cette dernière et le personnage d’Agnès Jaoui.

La famille de Rachel est à table
Grâce à une mise en scène habile et imaginative, le film offre de jolies scènes imagées pour d’abord, dès le générique, nous retracer le début de la vie de Rachel, puis, tout au long du film traiter des divers sujets : son obsession pour la mort, sa perception de la psychanalyse et du traumatisme de son père, déporté lorsqu’il était enfant. Sans parler d’une scène de sexe des plus drôles et des plus inventives.

Je ne sais pas si le fait d’avoir retrouvé dans la relation des petites celle que je partageais moi-même avec mon amie d’enfance (Yo mon Clairon !) m’a enlevé toute objectivité, mais la fin du film m’a totalement submergée d’émotions… Cela dit, je ne crois pas avoir été la seule vu les bruits de mouchoirs qui ont résonné dans la salle au moment du générique.
En tout cas je vous assure que vous ne résisterez pas au besoin de regarder d’un peu plus près l’état de votre cuisine (ou celle de vos parents, c’est selon).

Un film de : Carine Tardieu
Pays d’origine : France
Avec : Agnès Jaoui, Denis Podalydès, Isabelle Carré, Isabella Rossellini, Juliette Gombert, Anna Lemarchand
Durée : 1h29
Date de sortie en France : 22 août 2012
Voir la bande-annonce

Author: Tatoe

Tatoe est une rousse cinéphile, collègue et consœur de Diraen et qui publiera essentiellement des critiques ciné - même si elle essaie secrètement de convaincre Diraen de la laisser faire des critiques musique sur ce blog (tout en pensant qu'en vrai elle serait infoutue de mettre des mots sur ce que la musique peut lui faire ressentir).

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